Arnaud Delmontel : artisan engagé

Arnaud Delmontel.

L’année 2024 se termine en fanfare pour le boulanger-­pâtissier Arnaud Delmontel, qui a multiplié les récompenses ces derniers mois alors que la maison éponyme a célébré ses 25 ans cette année. Rencontre avec un artisan qui place l’humain au cœur de sa démarche.

La Toque magazine (LTM) : Quand êtes-vous tombé dans la marmite de la boulangerie ?

Arnaud Delmontel (AD) : Ça vient sûrement des vacances que je passais à Belle-Île-en-Mer lorsque j’étais enfant. Au port de Sauzon, il y avait un boulanger qui vendait des croissants. Il m’a montré comment les fabriquer ; et ça m’a plu ! J’avais huit ou dix ans à l’époque. Par la suite, n’étant pas brillant dans les études, je me suis orienté vers un BEP cuisine, et assez rapidement, j’ai été attiré par la pâtisserie. Je suis parti faire une saison à la montagne, dans un Relais & Châteaux à Courchevel [Savoie]. Il n’y avait pas de commis pâtissier, j’ai dit : “Moi, ça m’intéresse !”…

(© DR)

LTM : Que trouviez-vous en plus dans la pâtisserie ?

AD : Je trouvais cela plus agréable. La pâtisserie permet de fabriquer le produit de A à Z, à commencer par la pâte, dont j’aimais le contact.

LTM : La maison Delmontel a fêté ses 25 ans cette année. De quoi êtes-vous le plus fier ?

AD : Si on m’avait dit lorsque j’ai repris la boulangerie La Renaissance [Paris 9e, NDLR], qui a cent cinquante ans cette année, “Dans vingt-cinq ans, tu auras cinq boutiques”, je n’y aurais pas cru ! C’était un rêve ! Je suis content d’en être arrivé là, et d’avoir tenu.

LTM : Diriez-vous que cela a été difficile de vous faire un nom ?

AD : Disons que lorsque les grands chefs venant de palaces s’installent, leur renommée les suit. Je n’ai jamais été chef dans une grande maison parisienne. Je suis parti à l’étranger, je n’étais personne. En revenant, il fallait construire une réputation. En plus, je suis à la fois boulanger et pâtissier. Souvent, les pâtissiers me disent : “Pour un boulanger, tu fais de beaux gâteaux” ; et les boulangers : “Pour un pâtissier, tu fais du bon pain !” (sourire) J’avais envie de prouver quelque chose car le système français est pas mal basé sur la scolarité, le CV. Ça ne fait pas tout…

(© DR)

LTM : Selon vous, changer ce regard est important pour attirer davantage dans la filière ?

AD : J’ai bossé aux États-Unis, et on se retrouve avec du personnel qui n’a pas de BEP, de CAP [certificat d’aptitude profes­sionnel], de BTM [brevet technique des métiers]… mais plutôt avec des gens qui ont des soft skills [compétences comportementales, en anglais, NDLR]. J’ai toujours vu la chose ainsi, en me disant : “Tu recruteras peut-être des gens qui ne seront pas très diplômés”. D’autant plus qu’il y a une telle concurrence entre les palaces ou les avantages offerts par les grands groupes. Aujourd’hui, avec des organismes comme l’Opérateur de compétences des entreprises de proximité, il est facile de mettre en place des formations pour son personnel.

LTM : Vous avez d’ailleurs aidé l’un de vos collaborateurs à se faire régulariser et l’avez formé…

AD : Quand on est chef d’entreprise, il faut être engagé. Si je peux aider mon personnel dans ses pérégrinations complexes, à obtenir ses papiers, je n’hésite pas à le faire. J’ai aussi besoin de ces gens pour grandir. Ayant été moi-même à l’étranger un immigré, je sais ce qu’est c’est. Être chef d’entreprise est aussi une aventure humaine !

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LTM : En 2007, vous remportez le prix de la meilleure Baguette de Paris. Depuis, votre amour pour les concours n’a pas faibli…

AD : Nous avons eu une fin d’année assez riche : le troisième prix du meilleur Pain bio d’Île-de-France, et le premier prix de l’originalité au Festival du millefeuille Raymond-Devos. Participer à des concours permet de rester vif ! J’ai toujours été angoissé à l’idée de me reposer sur mes lauriers. C’est toujours agréable de réfléchir à un projet. C’est aussi une bonne chose pour bâtir une équipe, et pour l’émulation. Demain, on participe justement au prix de la meilleure Pâtisserie parisienne. Nous apporterons notre flan à l’agastache au Syndicat des boulangers du Grand Paris.

LTM : Comment travaillez-vous et quels sont vos critères de sélection ?

AD : Mon objectif a toujours été de choisir des produits de qualité. Face à la concurrence, il faut aussi trouver des ingrédients originaux, tout en collant à la demande de la clientèle, de plus en plus sensible aux démarches locales. J’ai commencé à m’intéresser aux questions de responsabilité sociétale des entreprises, et je me suis aperçu que 74 % de ce que l’on achetait était fabriqué à moins de deux cents kilomètres de Paris. J’ai voulu aller encore plus loin, même si cela n’est pas possible pour des produits comme le café, la vanille, le chocolat. Concernant le bio, cela permet d’avoir un bon produit, intéressant gustativement, et de travailler quelque chose qui vit ! On collabore aussi avec des producteurs en direct. Et on soutient l’association Chocolatiers engagés…

LTM : En parlant de local, vous venez de sortir le livre La Pâtisserie parisienne, aux Éditions de La Martinière…

AD : Il est bon d’avoir un terroir. Et le mien, c’est Paris : j’y suis né ! C’était aussi l’occasion de mettre la boulangerie en avant, de parler de ce métier qui a quatre ou cinq mille ans, comme peu d’autres. Je voulais apporter le côté historique. Il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va !

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